
Forest’Innlab : un lieu d’expérimentations pour des projets forestiers innovants
20 février 2025Le Forest’InnLab, situé à Nancy, est un des InnLabs d’AgroParisTech, des dispositifs ouverts qui prennent la forme de plateformes scientifiques et technologiques thématiques. Il a été créé en 2020 dans le cadre d’une convention entre ses trois tutelles AgroParisTech, INRAE et l’Université de Lorraine. Il vise à développer des méthodes d’innovation et à accompagner des projets innovants autour des problématiques liées à la gestion forestière.
Rencontre avec Grégoire Burgé, directeur adjoint de la recherche en charge de l’innovation et Maxence Arnoult, responsable scientifique du Forest’InnLab.
Grégoire, Maxence, pouvez-vous nous rappeler ce qu’est le Forest’InnLab, notamment ses missions, et quel est votre rôle au sein de ce programme ?
M.A Le rôle du Forest’InnLab, qui est un living lab(laboratoire vivant) collaboratif conçu pour répondre aux enjeux forestiers, c’est d’être un lieu d’expérimentations, de déploiement de solutions innovantes centrée utilisateur, territoire et environnement. On développe à la fois un cadre méthodologique propice à l’innovation et on propose un accompagnement sur mesure pour des projets innovants. Au sein du Forest’InnLab, on va faire se croiser des chercheurs, des enseignants, des étudiants, des porteurs de projet, des parties prenantes de territoires… On va essayer de stimuler, par des méthodes living lab, cette innovation autour d’une problématique. En parallèle, nous nous inspirons des recherches qui sont portées ici, à Nancy, et de ces recherches-là, nous opérationnalisons des méthodes afin de les rendre les plus pratiques possibles au déploiement des projets dans les territoires. Mon rôle à moi, c’est d’identifier les projets et de proposer un accompagnement méthodologique afin de coordonner au mieux ces différentes phases de développement.
G.B En tant que directeur adjoint de la recherche en charge de l’innovation l’une de mes missions consiste à coordonner le réseau des InnLabs, (AgroParisTech en a actuellement trois en plus du Forest’InnLab : le Food’InnLab à Palaiseau, le Farm’InnLab à Grignon, , le Biotech’InnLab à Reims et le Cosmet’InnLab ouvrira ses portes à Orléans en 2025) afin d’homogénéiser les procédures et la communication, de renforcer le côté réseau, de développer un modèle économique à la fois commun et adapté à chaque écosystème, de mettre en place une stratégie commune donc en somme de faire le plus de liens possibles entre ces dispositifs complémentaires, qui peuvent parfois accompagnés le même projet. Ce que je peux rajouter à la définition de Maxence, qui est très juste sur le Forest’InnLab, c’est que cet InnLab, qui au passage est de plus en plus sollicité pour accompagner des projets innovants, dispose d’un lieu d’expérimentations original et bien identifié, la Forêt de Brin, d’un peu plus de 600 hectares.
M.A Effectivement, AgroParisTech possède du foncier forestier, et c’est absolument vital pour pouvoir expérimenter à notre échelle : nous avons besoin d’avoir un terrain physique pour accompagner et développer des projets forestiers innovants.
Justement quels types de projets accompagnez-vous ?
M.A Nous accompagnons des projets de territoires (projets de collectivités, de parcs naturels régionaux, d’institutions) qui souhaite développer des stratégies d’adaptation des forêts ou de gestion forestière. Nous accompagnons également bien sûr des start-ups de tout type, c’est-à-dire aussi bien des étudiants qui veulent se lancer, qui ont un projet, une idée à développer que des entreprises extérieures par exemple. Nous accompagnons aussi des projets innovants au sein de nos forêts pour essayer d’avoir une gestion de la forêt la plus démonstratrice possible, pour d’autres propriétaires par exemple.
Nous investissons aussi dans l’enseignement parce qu’il faut pouvoir transmettre nos savoirs aux étudiants et les accompagner dans la mise en place d’ateliers, de visites terrain…
À côté de cet accompagnement, nous déployons actuellement un outil d’évaluation qui va nous permettre également de proposer rapidement l’accompagnement et la méthode la plus adéquate lorsqu’un porteur de projet toque à notre porte.
G.B À l’échelle des InnLabs, et le Forest’InnLab ne fait donc pas exception à la règle, il faut rappeler que 50% des projets qui accompagnés sont portés par des personnes issues de l’écosystème d’AgroParisTech (étudiants, enseignants-chercheurs, alumnis…), et 50% en revanche proviennent de porteurs externes à AgroParisTech, qui répondent à nos appels à candidatures pour rejoindre le réseau ou qui nous sollicitent de manière spontanée. Et c’est tant mieux ! Ainsi, on s’enrichit mutuellement, on renforce également notre base de données car plus nous avons de projets et de profils différents, plus nous pouvons proposer des solutions adaptées. La plupart des entrepreneurs qui viennent nous voir sont attirés par l’expertise et la réputation d’AgroParisTech sur le sujet de la forêt, pour notre réseau de partenaires, mais aussi pour la capacité reconnue des InnLabs à accompagner le développement de projets à impact.
Quelles sont les différentes étapes qui peuvent m’attendre si j’ai un projet innovant et que je souhaite être accompagné par le Forest’InnLab ?
M.A L’équipe du Forest’InnLab va d’abord identifier le type de projet que vous souhaitez monter afin de proposer un cadre méthodologique spécifique (l’outil d’évaluations que je mentionnais plus haut permet d’évaluer précisément les spécificités et les objectifs d’un projet pour l’accompagner au mieux). On déploie ce cadre, celui-ci suit une chronologie assez générique : planification, diagnostic partagé, idéation / co-conception, expérimentation, évaluation…De là, nous proposons une boîte à outils spécifique à chaque projet, avec une offre de services que l’on déploie pour vous. Il est possible de soumettre un projet qui ne soit encore qu’au stade de l’idée, et nos premiers outils, qui sont aussi bien de la documentation (état des lieux, comprendre l’écosystème…) que de la prise de contacts, doit permettre au porteur de projet d’avancer dans sa démarche.
Pour un projet plus avancé, on est capable de faire de l’analyse de besoins, de la co-conception de solutions, de tests d’expérimentations, d’évaluation de prototypes…La palette est large et dépend vraiment de chaque projet, nous nous adaptons à chaque projet et à chaque acteur.
En plus d’accompagner des projets innovants, on peut aussi préciser que nous accompagnons également des acteurs institutionnels ou associatifs pour la conception d’ateliers, d’animations ou de jeux sérieux, à destination d’un public plus large. Avec le département de Meurthe-et-Moselle, par exemple, on est en train de signer un E.N.S (Espace Naturel Sensible) parce que nous avons un étang dans la forêt : si nous souhaitons l’ouvrir aux visiteurs, nous devons penser à un plan de gestion d’accueil du public respectueux de l’environnement, donc concrètement, penser à la co-conception d’un sentier pédagogique et d’un observatoire pour accueillir du public.
Nous formons aussi aux approches innovantes : l’Agence Française pour la Biodiversité, l’INRAE ou le Conseil départemental 54 par exemple, ont fait appel à nous récemment. Notre champ d’actions est assez vaste finalement !
G.B On peut citer aussi des exemples d’entreprises comme Good Forest qui fait de la détection de précoce de scolytes par satellites, Mycelium, portée d’ailleurs par un étudiant AgroParisTech du campus de Nancy, avec son projet de reforestation par des drones, Kanop qui développe une solution basée sur l’IA et les données satellitaires sur la question du stockage carbone ou encore Albatros qui fait de la détection précoce de feux de forêt et qui nous ont sollicités pour accéder à des données terrains. Il y a aujourd’hui une vraie recrudescence des projets innovants qui portent sur les thématiques « forêt » et « bois », ce qui signifie qu’il y a une véritable prise de conscience, notamment citoyenne, des enjeux associés dans un double objectif d’adaptation et d’atténuation du réchauffement climatique.