
Rencontre avec Vincent Badeau et Patrick Behr
05 mars 2025L’écologie forestière au cœur du Salon International de l’Agriculture
Vincent Badeau, ingénieur de recherche et Patrick Behr, technicien de recherche INRAE dans l’unité mixte de recherche Silva (AgroParisTech, INRAE, Université de Lorraine), au sein de l’équipe Écologie des forêts et des écosystèmes peu anthropisés (ÉcoSilva) et basés à Nancy, ont quitté leur laboratoire pour aller à la rencontre du public au Salon International de l’Agriculture. Ils reviennent sur cette expérience.
VB : Je suis le responsable de l’équipe Écologie des forêts et des écosystèmes peu anthropisés (ÉcoSilva), dans laquelle je travaille essentiellement en dendrochronologie et biogéographie. Nous étudions, entre autres, l’aire de répartition des espèces forestières et leur croissance en fonction du climat puis nous essayons de déduire, à partir de ces analyses, comment ces espèces se comporteront sous climat modifié.
PB : Je réalise la collecte des données botaniques qui sont liées à l’écosystème forestier (échantillons d’arbres et de sols par exemple). Je travaille également en dendrochronologie et dendroécologie, c’est-à-dire l’étude des cernes de croissance, la vitesse de pousse des arbres pour voir quels sont les contraintes de l’environnement qui les affectent le plus et comment ils s’en remettent.
Qu'avez-vous proposé au SIA cette année ?

VB : Le bicentenaire de l’École forestière de Nancy a été mis à l’honneur cette année sur le stand d’AgroParisTech. Nous avons donc proposé de créer des animations en lien avec la forêt, notamment d’expliquer au public le rôle des cernes de croissance et le processus de développement des arbres. Les visiteurs ont pu observer à la loupe binoculaire comment se forment les cernes : le bois d’hiver et le bois de printemps ; les petits cernes des années sèches et les plus larges des années humides. Nous avons apporté un peu de matériel pour montrer aux visiteurs comment nous prélevons des échantillons sur les arbres en forêt. Nous ne coupons pas des rondelles sur tous les arbres que nous souhaitons étudier. Nous prélevons des carottes, de petits échantillons de bois, avec un outil, la tarière de Pressler.
PB : J’ai expliqué comment et pourquoi nous procédions au carottage des arbres. Celles et ceux qui le souhaitaient, enfants compris, pouvaient s’y essayer. Cette approche leur a permis de découvrir et comprendre ce que c’est qu’un arbre. Car je me suis aperçu que la plupart des visiteurs ignoraient totalement comment pousse et fonctionne un arbre.
Qu’attendez-vous de cette expérience ?
VB : J’étais déjà venu, il y a quelques années, pour présenter des cartes d’évolution du climat et de la présence des espèces.
Ce qui est intéressant dans ce salon, c’est le contact avec le public. Montrer aux personnes qui financent par leurs impôts la recherche ce sur quoi nous travaillons dans les laboratoires et à quoi ça sert. Nous pouvons reconnecter les citoyens avec de la vraie science en les intéressant aux recherches actuelles et à leurs applications.
PB : C’est également l’occasion de rencontrer et d’échanger avec des chercheurs et des techniciens scientifiques qui travaillent dans d’autresdomaines et sur les campus.
Pourquoi pensez-vous qu’il est important qu’AgroParisTech soit présent au SIA ?
VB : À mon avis, c’est essentiel parce que c’est là que se fait la science, dans nos institutions : à AgroParisTech, à INRAE, au Cirad, à l’Université et à l’Office national des forêts. Elles garantissent la rigueur et la fiabilité des informations scientifiques diffusées, à l’inverse des nombreuses approximations et idées fausses que l’on retrouve de plus en plus souvent sur les réseaux sociaux.
Être ici, c’est très différent de votre quotidien ?
VB : Effectivement, dans les laboratoires, nous sommes dans un milieu assez confiné entre collègues chercheurs, doctorants et étudiants qui sont là pour la recherche et pour apprendre. Ce salon permet d’approcher un public sans connaissances scientifiques particulières, qui se pose plein de questions et qui a beaucoup d’idées fausses. C’est important de partager et transmettre.
PB : Et être sur un salon comme le SIA, c’est aussi très physique, presque davantage que de carotter en forêt !
Quavez-vous la plus apprécié dans cette expérience ?
VB : C’est ce contact avec le public. Des gamins intéressés et contents de montrer qu’ils peuvent compter des cernes sur des rondelles d’arbre et lui donner un âge, c’est toujours très émouvant.
PB : Transmettre des connaissances. Parce que le grand public, face aux grands enjeux environnementaux comme le dérèglement climatique,peut être inquiet. Nous sommes là pour leur transmettre nos connaissances. Par exemple, les solutions sur lesquelles la recherche travaille aujourd’hui pour contrer le dépérissement forestier. Et ça passe par l’information, expliquer, pour commencer, comment pousse un arbre.


Un message pour vos collègues qui hésiteraient à se lancer dans l’aventure du SIA ?
PB : L’expérience vaut le coup parce que nous sommes une source fiable d’informations. Et je crois que notre statut de technicien nous rend plus accessible pour les visiteurs que celui de chercheur.